L’année 1967 se caractérise par la convergence de deux événements ecclésiaux d’une portée remarquable, à savoir le premier Synode des évêques à la suite du Motu proprio Apostolica sollicitudo (29 septembre - 29 octobre) et le troisième Congrès de l’Apostolat des laïcs (11-18 octobre 1967). Ces deux événements répondaient à la nécessité – comme l’envisageait Paul VI – de créer des espaces d’élaboration partagée pour une herméneutique correcte de Vatican II, sous l’urgence de la grave crise doctrinale qui voyait s’opposer les résistances conservatrices et les fuites progressistes. Le dimanche 15 octobre 1967, après avoir concélébré la Messe dans la Basilique St-Pierre avec 24 Evêques, membres du Synode, à l’occasion de la Journée Mondiale de Prière pour le Congrès du Copecial, Paul VI, dans son discours aux congressistes, rappelait la responsabilité des laïcs lors de la navigation orageuse de l’Eglise postconciliaire : «Comme les navigateurs, au cours de leur itinéraire à travers l’immensité des mers, "font le point", c'est à dire déterminent leur position et leur direction, ainsi il Nous semble que votre troisième Congrès mondial exige qu'on mette en évidence les acquisitions doctrinales proclamées par l'Eglise en cette plus récente phase de son histoire, notamment au seconde Concile œcuménique du Vatican» («L'Osservatore Romano», 16-17 octobre 1967). Le Congrès de 1967 peut être considéré, à ce titre, non seulement comme une étape fondamentale du parcours de l’Apostolat du laïcat et pour autant décisive pour la réception de la Lumen gentium, mais aussi comme une source foisonnante pour l’histoire du conflit au sein de l'Eglise. Comme l’écrivait, en effet, Ramon Sugranyes de Franch dans la préface aux actes du Congrès: «dans un monde en ébullition […] jusqu'à quel point l'Eglise peut encourager ses enfants, lorsqu'ils se heurtent, dans les questions sociales, à un mur d'incompréhension et même à des injustices qui peuvent susciter des réactions violentes? Certains désirs insatisfaits, certaines impatiences […] ont leur origine dans les lenteurs et les réticences d'une partie de l'Eglise, trop "sage" ou trop engoncée dans de vieilles habitudes» (Actes du IIIe Congrès mondial de l'apostolat des Laïcs, p. 14). La vaste documentation des Archives historiques du Conseil Pontifical pour les Laïcs concernant l’organisation, le déroulement et les effets du IIIe Congrès mondial de l'apostolat des Laïcs (Fonds Concile Vatican II, Vittorino Veronese et Copecial) nous permet précisément d’éclairer de l’intérieur ce débat à travers correspondance, procès-verbaux, notes préparatoires des experts, interventions épiscopales, communications pour le Synode, propositions et commentaires des Commissions diocésaines, comptes rendus et projets des associations catholiques internationales les plus différentes (sociales, politiques, syndicales, culturelles, artistiques, juvéniles, de femmes, pacifistes, de bénévolat et de coopération au développement). Il s’agit d’un tas de sources bien ancrées à cette période historique (le post-concile dans les contextes nationaux et, sur le fond, la crise internationale à la suite de la guerre au Viêt-Nam) qui nous renvoie de manière plastique au climat de tension au cœur de l’Eglise : c’est le «drame de la doctrine» comme relate un document adressé en janvier 1967 au secrétaire général du Comité permanent du Copecial Vittorino Veronese par le dramaturge italien Diego Fabbri, selon lequel le post-concile est justement une tragédie animée par «un groupe de personnages, protagonistes et antagonistes», un «véritable et profond drame sillonné et secoué sans cesse par des coups de théâtre ; cycliquement il y aura tout à la fois des vainqueurs et des perdants ; des soumis et des rebelles et finalement des victimes».

Sergio, M.L. (2017). Le « drame de la doctrine » : le Post-concile dans la documentation du Conseil Pontifical pour Les Laïcs. In C. Sorrel (a cura di), Renouveau conciliaire et crise doctrinale. Rome et les Églises nationales (1966-1968) (pp. 119-140). Lyon : LARHRA.

Le « drame de la doctrine » : le Post-concile dans la documentation du Conseil Pontifical pour Les Laïcs

Sergio, Marialuisa Lucia
2017-01-01

Abstract

L’année 1967 se caractérise par la convergence de deux événements ecclésiaux d’une portée remarquable, à savoir le premier Synode des évêques à la suite du Motu proprio Apostolica sollicitudo (29 septembre - 29 octobre) et le troisième Congrès de l’Apostolat des laïcs (11-18 octobre 1967). Ces deux événements répondaient à la nécessité – comme l’envisageait Paul VI – de créer des espaces d’élaboration partagée pour une herméneutique correcte de Vatican II, sous l’urgence de la grave crise doctrinale qui voyait s’opposer les résistances conservatrices et les fuites progressistes. Le dimanche 15 octobre 1967, après avoir concélébré la Messe dans la Basilique St-Pierre avec 24 Evêques, membres du Synode, à l’occasion de la Journée Mondiale de Prière pour le Congrès du Copecial, Paul VI, dans son discours aux congressistes, rappelait la responsabilité des laïcs lors de la navigation orageuse de l’Eglise postconciliaire : «Comme les navigateurs, au cours de leur itinéraire à travers l’immensité des mers, "font le point", c'est à dire déterminent leur position et leur direction, ainsi il Nous semble que votre troisième Congrès mondial exige qu'on mette en évidence les acquisitions doctrinales proclamées par l'Eglise en cette plus récente phase de son histoire, notamment au seconde Concile œcuménique du Vatican» («L'Osservatore Romano», 16-17 octobre 1967). Le Congrès de 1967 peut être considéré, à ce titre, non seulement comme une étape fondamentale du parcours de l’Apostolat du laïcat et pour autant décisive pour la réception de la Lumen gentium, mais aussi comme une source foisonnante pour l’histoire du conflit au sein de l'Eglise. Comme l’écrivait, en effet, Ramon Sugranyes de Franch dans la préface aux actes du Congrès: «dans un monde en ébullition […] jusqu'à quel point l'Eglise peut encourager ses enfants, lorsqu'ils se heurtent, dans les questions sociales, à un mur d'incompréhension et même à des injustices qui peuvent susciter des réactions violentes? Certains désirs insatisfaits, certaines impatiences […] ont leur origine dans les lenteurs et les réticences d'une partie de l'Eglise, trop "sage" ou trop engoncée dans de vieilles habitudes» (Actes du IIIe Congrès mondial de l'apostolat des Laïcs, p. 14). La vaste documentation des Archives historiques du Conseil Pontifical pour les Laïcs concernant l’organisation, le déroulement et les effets du IIIe Congrès mondial de l'apostolat des Laïcs (Fonds Concile Vatican II, Vittorino Veronese et Copecial) nous permet précisément d’éclairer de l’intérieur ce débat à travers correspondance, procès-verbaux, notes préparatoires des experts, interventions épiscopales, communications pour le Synode, propositions et commentaires des Commissions diocésaines, comptes rendus et projets des associations catholiques internationales les plus différentes (sociales, politiques, syndicales, culturelles, artistiques, juvéniles, de femmes, pacifistes, de bénévolat et de coopération au développement). Il s’agit d’un tas de sources bien ancrées à cette période historique (le post-concile dans les contextes nationaux et, sur le fond, la crise internationale à la suite de la guerre au Viêt-Nam) qui nous renvoie de manière plastique au climat de tension au cœur de l’Eglise : c’est le «drame de la doctrine» comme relate un document adressé en janvier 1967 au secrétaire général du Comité permanent du Copecial Vittorino Veronese par le dramaturge italien Diego Fabbri, selon lequel le post-concile est justement une tragédie animée par «un groupe de personnages, protagonistes et antagonistes», un «véritable et profond drame sillonné et secoué sans cesse par des coups de théâtre ; cycliquement il y aura tout à la fois des vainqueurs et des perdants ; des soumis et des rebelles et finalement des victimes».
2017
979-10-91592-17-8
Sergio, M.L. (2017). Le « drame de la doctrine » : le Post-concile dans la documentation du Conseil Pontifical pour Les Laïcs. In C. Sorrel (a cura di), Renouveau conciliaire et crise doctrinale. Rome et les Églises nationales (1966-1968) (pp. 119-140). Lyon : LARHRA.
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