Une "cause célèbres" au XIIe siècle. Moines, archevêque et stratégies de pouvoir à Cantorbéry

Résumé – Le conflit de 1187 qui opposa les moines de l’abbaye de Christ Church de Cantorbéry à l’archevêque Baudouin de Ford (1185-1190) fut une des plus célèbres affaires juridiques de son époque. L’affaire est bien connue : en 1186, l’archevêque Baudouin de Ford, soutenu par le roi Henri II Plantagenêt (1154-1189), avait commencé à construire une collégiale à Hackington, un faubourg de Cantorbéry, en l’honneur de saint Thomas Becket et de saint Stephen. La nouvelle église aurait constitué une menace pour le prestige de l’ancienne abbaye de Christ Church de Cantorbéry dont la communauté des moines desservait l’évêque. La collégiale devait être financée par une partie des revenus du riche couvent bénédictin, et parce que l’archevêque et le roi auraient exercé un contrôle absolu sur la composition de cette nouvelle communauté de chanoines dont ils souhaitaient faire les proches conseillers de l’évêque. Les moines décidèrent de faire appel au pape pour empêcher la réalisation du projet de l’archevêque. L’affaire fut débattue devant le pape Urbain III à Vérone en 1187 et opposa deux des hommes les plus érudits de leur temps : Pillius de Medicina était l’avocat des moines, tandis que l’archevêque était représenté par Pierre de Blois. La littérature pratique et scolastique témoigne des événements de cette affaire. Replacée dans le contexte des multiples stratégies liturgiques, iconographiques et documentaires mises en place par les moines pour se défendre, cette enquête s’attarde particulièrement sur les arguments juridiques mobilisés par les deux parties lors du procès.